Catherine Radosa, en résidence de création à Beaugency
Invitée par l’association Valimage pour un séjour en résidence de travail, d’échange et de création, Catherine Radosa s’est intéressée aux espaces de transition entre le bâti, les zones agricoles et la nature, aux zones d’extension de l’urbanisation, aux formes et usages contemporains de l’espace public d’une ville profondément marquée et dessinée par l’Histoire et la topographie. À partir du contexte propre de Beaugency mais en touchant plus largement aux transformations de la condition de la ville contemporaine, son regard s’est attaché à la lumière, naturelle et artificielle, à l’énergie et leur inter-relation à partir de deux éléments : la proximité, à quelques kilomètres en aval dans le lit de la Loire, de la centrale nucléaire et l’extinction totale de l’éclairage public dans la ville, chaque soir à minuit.
Démarche
Catherine Radosa travaille au croisement des images et des situations, qu’elle les rencontre ou les produise. Par la lecture des lieux, en observant, en écoutant, en documentant, elle interroge le présent de la mémoire, les représentations personnelles et collectives : le rapport individu-société, les frontières géographiques et sociales, l’Histoire, l’identité.
Entre enquête et rêverie, par le montage de voix, d’images, de contextes et de moments, elle construit des figures de témoins collectifs qui touchent à l’esprit des lieux et du moment avec une distance qui lui est propre, sensible sans effusion, directe, délicate, grinçante parfois. Selon les oeuvres, elle emprunte et croise plusieurs langages (photographie, vidéo, animation 3D, son, document, texte). Elle construit, souvent dans l’espace urbain, des situations participatives et des performances, notamment des pièces pour projection à l’échelle de l’architecture et du paysage urbains, mais aussi des films (courts et moyens-métrages) pour la projection en salle, la diffusion sur écran, pour des dispositifs d’installation, des images pour l’impression et l’édition.
Biographie
Catherine Radosa contribue à des programmations événementielles collectives (comme la Nuit Blanche Paris en 2011, 2012 et 2013), des festivals (Rencontres Internationales Paris/Berlin/Madrid à Palais de Tokyo et à Haus der Kulturen der Welt (2012, 2013), Côté court (2009), des expositions collectives (Where is my home ? à DOX Center for contemporary art, Prague) ou personnelles à la Galerie Gabrielle Maubrie à Paris (2013-2014). Diplômée des beaux-arts (ESBA TALM Le Mans) avec félicitations du jury à l’unanimité en 2012, elle est née en 1984 à Prague et vit actuellement à Paris.
VEILLE
Exposition de CATHERINE RADOSA
Vernissage le vendredi 22 avril 2016 à 18H00 (à partir de 16h pour les professionnels)
Exposition du 23 avril au 5 juin 2016
Église Saint-Étienne , Place du Martroi, 45190 Beaugency
Produite à l’issue de la résidence, l’exposition est inscrite dans l’architecture de caractère de l’église Saint-Étienne. Elle présente par projection d’images et de sons un ensemble de pièces qui croisent les notions et déplient les perceptions de lumière, d’énergie, d’image ; de tout ce qui relève de la production de l’espace — l’espace habité, partagé, public, protégé, surveillé, balisé, vécu, en devenir, en suspens.
L’installation, conçue spécifiquement par Catherine Radosa pour le site de l’exposition, s’appréhende comme un parcours sonore et visuel, plaçant le spectateur dans des situations de regard et d’écoute multiples, parmi les images projetées, au plafond ou aux murs, ici en plein écran, là en multi-écran, mais aussi l’image imprimée sous forme de carte postale, mises à sa disposition pour de nouvelles circulations.
L’artiste, à propos de son travail pendant la résidence
« À Beaugency, j’ai mis en place un protocole de tournage qui joue avec l’image, entre apparition et disparition, en cherchant les possibilités de représentation de diverses sortes d’énergies et de forces, naturelles ou artificielles, à travers la présence ou l’absence de la lumière, qui est une condition nécessaire de l’image. C’est ce que m’a renvoyé le quotidien de la ville tel que je l’ai vécu, attentive jour après jour, en photographiant, en filmant, en faisant des rencontres et des enregistrements sonores : l’exposition est une manière de donner forme à ces perceptions.»
L’exposition
Produite à l’issue de la résidence, l’exposition est inscrite dans l’architecture de caractère de l’église Saint-Étienne. Elle présente par projection d’images et de sons un ensemble de pièces qui croisent les notions et déplient les perceptions de lumière, d’énergie, d’image ; de tout ce qui relève de la production de l’espace — l’espace habité, partagé, public, protégé, surveillé, balisé, vécu, en devenir, en suspens.
L’installation, conçue spécifiquement par Catherine Radosa pour le site de l’exposition, s’appréhende comme un parcours sonore et visuel, plaçant le spectateur dans des situations de regard et d’écoute multiples, parmi les images projetées, au plafond ou aux murs, ici en plein écran, là en multi-écran, mais aussi l’image imprimée sous forme de carte postale, mises à sa disposition pour de nouvelles circulations.
Mathilde Roman, critique d’art
Note sur le projet d’exposition
L’œuvre de Catherine Radosa s’inscrit dans l’espace public en tant que possible espace du commun. C’est là qu’elle réalise des actions performatives, projette des images à même l’architecture, propose des situations participatives. Avec retenue, elle insère l’intime dans le collectif, entrouvre les mémoires et recherche les aspérités d’une urbanité lissée.
Désireuse de rencontrer des territoires, des histoires collectives et individuelles, elle a découvert Beaugency pendant une résidence artistique, et s’est trouvée vite marquée par le peu d’activité visible dans l’espace urbain. La tranquillité des lieux l’a pourtant encouragée à ne pas interrompre le rythme d’un fonctionnement urbain très emblématique d’une époque. Les seuls corps inscrits dans ses images l’ont été à travers la chaleur qu’ils ont produite, enregistrée par des caméras thermiques lors d’un marathon, créant des formes incandescentes assez insaisissables. Ailleurs, la présence humaine est toujours hors champ, contenue dans le paysage construit.
Catherine Radosa a filmé des vues urbaines à la nuit tombée, en plan fixe, laissant au regard le temps de lire les indices qui les parsèment. Certains sont discrets, comme les signalétiques, tandis que les tours de refroidissement de la centrale nucléaire s’imposent dans toute leur force esthétique et leur charge symbolique. Le charme nocturne de ces paysages éclairés bascule abruptement à minuit, lorsque tout s’éteint. Le montage permet de regarder ensemble plusieurs paysages filmés selon le même protocole, offrant l’expérience étrange d’un effacement des repères du visible. Dans l’obscurité totale seulement traversée par quelques rares phares de voiture, le vent et le souffle de l’artiste occupent à eux seuls l’image. L’image est chargée de présence sans qu’une technicité particulière ne soit nécessaire pour la révéler. Les traînées thermiques des corps ouvraient le régime du dissemblable, effaçant les identités et laissant surgir des états de présence. De même, la récente décision politique d’éteindre l’éclairage public rend possible un tout autre rapport à un espace urbain conçu pour être traversé, surveillé, maîtrisé, et qui devient bien souvent impossible à habiter. Dans Veille, le spectateur n’est pas invité à reconnaître ses lieux habituels mais à dériver dans des images le projetant dans son corps sentant.
Mathilde Roman